« Cette infortune dorée qui s’appelle l’ennui peut naître dans toutes sortes de situations diverses. Indigence de la possession, servitude de la liberté, désespoir de la facilité excessive, mélancolie des jours fériés, laideur de la beauté trop parfaite. — toutes ces détresses paradoxales sont une seule et même misère, la désolante misère de ceux qui n’ont pas la consolation de pouvoir accuser leur destin. […]
Si tout est à moi, rien n’est à moi : la disette de l’abondance, le vide du plein, l’inquiétude de la quiétude illustrent à leur manière le malheur d’être trop heureux. Car l’ennui n’est pas la misère d’une conscience sous-alimentée, mais au contraire l’inanition dans la réplétion. »
Vladimir Jankélévitch, L’aventure, l’ennui, le sérieux, 1963.