« Pendant plus d’un mois, j’ai vécu dans cette maison vide. Dépourvue de tout meuble, une maison n’est qu’une porte, un toit et un sol. À cause d’un retard dans la livraison du lit (chose habituelle en Grèce), je me suis vu contraint à dormir pendant deux semaines dans un appartement entièrement vide. Au cours de la nuit, mes hanches s’écrasaient contre le bois et je me levais tuméfié. Sans aucun doute, l’expérience est inaugurale et esthétique : un corps, un espace. Il m’est arrivé de me réveiller à 3 heures du matin et de me demander, étendu sur le sol, si j’étais un humain ou un animal, dans ce siècle ou un autre, si j’existais pour de vrai ou si je n’étais qu’une matière de fiction. La maison vide est le musée terrien du XXIe siècle et mon corps — sans nom, mutant et dépossédé — est l’œuvre. »
Paul B. Preciado, Un appartement sur Uranus.