végétation

« Mais pourquoi la végétation ? […] elle suggère la vie. Sans la représenter, elle évoque une impression de croissance et de mouvement, cette notion de force vitale si importante pour les critiques d’art chinois, anciens ou contemporains. C’est parce qu’elle est la vie qu’il a fallu la domestiquer, par exemple grâce à la géométrie, mais toujours elle éclate, car la végétation (ou la nature) est à la fois le plus commun et le plus récalcitrant des intermédiaires. Elle transforme ce qu’elle touche en autre chose qu’elle-même ou que l’objet sur lequel elle se trouve. Elle conduit toujours ailleurs et, pourtant, revient nous hanter comme une évocation de la vie, comme une forme qui serait en mouvement, et qui, à l’instar de la vie, a un commencement et une fin. Dans certaines de leurs pages les plus éloquentes, Ruskin et Focillon expriment la joie qu’ils éprouvent à la vue de chapiteaux ornés de feuilles d’acanthe. Ces deux auteurs sont particulièrement sensibles à la manière dont des pierres neutres et froides, des briques, de simples poutres en bois, des surfaces murales ou de modestes chapiteaux parviennent à vibrer grâce à la présence de fleurs, de tiges, d’animaux ou même de monstres issus d’une nature fantasmagorique. »

Oleg Grabar, L’Ornement. Formes et fonctions dans l’art islamique, 1992.