Conceptrice de dressings et conseillère en organisation, Céline Chauveau est la fondatrice de Tidy Up. Elle intervient à domicile pour vous accompagner dans vos projets d’aménagements. Adepte notamment de la méthode de rangement élaborée par Marie Kondo, elle nous invite à une mise en ordre tant matérielle que mentale. Elle nous a accordé un entretien.
Pouvez-vous nous raconter votre formation et votre parcours professionnel ?
J’ai fait des études de psychologie sociale et environnementale, discipline qui consiste à étudier l’individu en interaction avec son environnement, aussi bien physique que social. Pendant mes deux années de master, je travaillais le week-end à Leroy Merlin. Quand j’ai obtenu mon diplôme, j’ai exercé pendant une année dans une collectivité locale en tant que psychologue de l’environnement. Mes études m’ont passionnée, mais j’ai très vite compris qu’elles m’amenaient vers un travail de bureau alors que, finalement, ce que je faisais à Leroy Merlin (être dans une position debout, dynamique, avec des clients différents toute la journée) était ce qui me correspondait le plus. Du coup, mon job d’étudiante s’est transformé en mission à temps plein. J’ai conçu pendant presque 14 ans des cuisines et des rangements, puis je me suis consacrée à la conception de dressings et autres rangements pour les particuliers.
Récemment, j’ai fondé Tidy Up afin de proposer un service de conception de dressings à domicile. Je suis partie d’un constat, fait en tant que conceptrice et conseillère à Leroy Merlin : un certain nombre de clients avaient besoin d’un accompagnement personnalisé ou bien n’avaient pas forcément envie de se déplacer dans un magasin de la grande distribution. Souvent, ils étaient aussi perdus face aux outils de conception qui leur étaient proposés. Dans le cadre de Tidy Up, je me déplace au domicile de ces clients, ce qui me permet d’appréhender concrètement l’espace qu’ils souhaitent aménager. C’est aussi beaucoup plus convivial, donc les personnes chez qui j’interviens sont bien plus à même de me faire part de ce qu’elles ont à ranger. Sur place, je prends les mesures du dressing à créer, je montre aux clients les différents échantillons que j’ai à ma disposition et je conçois l’aménagement le plus adapté pour eux.
Quelles sont les différentes étapes d’un projet de rangement et d’organisation ?
La toute première étape est souvent négligée : lorsqu’on a déterminé la zone à ranger, par exemple un placard ou une pièce, il faut la vider en totalité. Il ne faut pas procéder par exemple par étagère, parce qu’on finit par seulement déplacer le bazar. Vider la totalité du placard ou de la pièce que l’on veut ranger permet de se rendre compte de tout ce que l’on a en sa possession. Souvent, on redécouvre des objets. Quand il s’agit d’une cuisine, il y a parfois des choses périmées : on ne savait même plus qu’on avait ce paquet de pâtes au fond du placard. Vider permet de véritablement prendre conscience de sa consommation, voire de sa surconsommation. Les gens sont fréquemment surpris car ils ne se rendaient pas compte de tout ce qu’ils possédaient.
L’étape suivante est celle du tri de tout ce que l’on a vidé. Trois possibilités se présentent alors. Tout d’abord, il y a ce que l’on jette parce que ce n’est plus du tout consommable, comme les vêtements troués. Il y a aussi ce que l’on donne ou vend. Et enfin ce que l’on garde, en se posant la question de savoir si cet objet ou ce vêtement nous correspond, à notre moi actuel, s’il nous met en joie. On peut aussi garder un objet, non pas parce qu’il nous apporte particulièrement de la joie, mais parce qu’il nous est utile actuellement, tout simplement parce nous nous en servons. Il ne faut pas, en tout cas, garder un objet parce qu’« on ne sait jamais ».
Une fois que l’on a fait ce tri, on s’occupe de la partie qu’on a gardée. À cette étape, il ne faut pas seulement ranger, c’est-à-dire qu’il ne faut pas simplement disposer au hasard les affaires. Il faut les organiser véritablement, les regrouper par catégories. Il y a là quelque chose de très satisfaisant. Pour les vêtements, ce sera : les pantalons d’un côté, les hauts tous ensemble. Dans une cuisine, on va éviter de mélanger les verres et les assiettes sur une même étagère : on les disposera plutôt sur deux étagères séparées. Chaque zone a sa catégorie. L’idée est bien d’avoir chaque objet à sa place et une place pour chaque objet.
On garde alors l’essentiel, on se retrouve avec les choses qui nous correspondent actuellement. Alors qu’on avait bien souvent gardé et accumulé des choses qui nous faisaient certes plaisir autrefois, des choses où l’affectif continue certes à jouer et dont il est parfois difficile de se séparer, bien qu’on n’en ait plus du tout l’utilité. Cela dit, il ne faut pas non plus se faire violence si ces objets nous font authentiquement plaisir, par exemple ce petit bout de papier où mamie ou papi nous avait laissé un petit mot. Il ne faut pas du tout se faire violence lorsque quelque chose nous apporte de la joie : on va le mettre dans la catégorie « je garde ».
Selon vous, quels sont les bienfaits psychologiques d’une organisation réussie des espaces de vie ?
Il y en a beaucoup des bienfaits ! Il est clair qu’avoir organisé les objets ou les vêtements qui nous ressemblent, qui correspondent à notre moi actuel, nous apportera forcément un mieux-être. C’est souvent difficile pour les gens de se rendre compte que ranger va leur apporter une satisfaction et un bien-être réels. On se sent libéré. J’ai pour habitude de dire : ranger sa maison, c’est aussi ranger dans sa tête. De nombreuses personnes faisant appel à un home organizer avaient laissé des projets en suspens. Après avoir rangé leur maison, elles ont repris une formation ou alors ont démissionné pour trouver un travail qui leur correspondait mieux. Parfois, ranger peut amener à des situations qui semblent peut-être moins joyeuses à première vue : certaines personnes se sont séparées de leur conjoint et sont reparties pour une nouvelle vie. C’est véridique. Elles restaient dans une relation qui ne leur correspondaient pas, puis elles ont eu le cran, une fois avoir fait ce rangement, d’y mettre un terme parce que celle-ci ne leur apportait plus de la joie, tout simplement.
Avoir l’esprit libéré permet d’enclencher plein de projets, des projets qu’on pouvait avoir laissés de côté ou auxquels on n’osait même pas penser. Ranger apporte également une sérénité et, chose non négligeable dans nos vies et dans notre société actuelles, un gain de temps. On ne perd plus de temps à ranger et à chercher ses affaires puisque chaque chose est à sa place. Ou, lorsqu’elle n’y est pas, la ranger va nous prendre juste quelques instants puisque l’on sait où est sa place. Ce n’est pas à négliger quand on a toute une organisation familiale à gérer, quand on a un travail, des enfants à prendre en compte et qui demandent du temps.
Un rangement soigné induit-il de nouveaux rapports aux objets du quotidien ? Est-ce qu’il modifie nos habitudes de consommation ?
Est-ce qu’il modifie nos habitudes de consommation ? Normalement oui, puisqu’on s’est justement rendu compte de sa consommation ou de sa surconsommation. On a souvent affaire à des personnes qui s’aperçoivent enfin, pour reprendre l’exemple du dressing, qu’elles avaient quatre hauts noirs alors qu’elles n’en portaient qu’un seul au quotidien et que c’était celui-ci qui leur correspondait véritablement. Cela évite d’acheter en double, donc permet de réduire sa consommation. Ou alors, on achète plus utile. Ou bien l’on achète des choses qui nous font réellement plaisir, parce que l’on a une meilleure visibilité sur ses possessions. Et, quant aux objets que l’on a conservés, comme il s’agit en général des objets qu’on a gardés précisément parce qu’ils nous correspondaient, on en prend bien plus soin. On peut ainsi développer son rapport affectif aux objets et ce qui semble être avant tout utile peut aussi nous apporter de la joie.
Quels sont les liens entre, d’une part, le rangement et l’organisation et, d’autre part, l’architecture et la décoration d’intérieur ?
Le grand lien, selon moi, c’est le bien-être chez soi. Le mieux-être en tout cas. Que ce soit grâce à une organisation avec des objets qui nous correspondent ou grâce à une décoration personnalisée, il s’agit d’avoir un chez-soi dans lequel on se sent bien et qui nous correspond. Les deux doivent être liés, l’un ne doit pas aller sans l’autre. On peut parfois avoir un logement très organisé et qui nous fait gagner du temps mais qui n’est pas décoré à notre goût : pour le coup, il ne nous apporte pas de la joie. L’inverse est vrai également. Quoi qu’il en soit, quand on a organisé son chez-soi, on a l’esprit beaucoup plus libéré pour y faire une décoration personnalisée qui nous permet de nous y sentir bien.
De nombreux clients, une fois qu’ils ont désencombré leur logement, redécouvrent le potentiel de tel ou tel mur. Ils vont ensuite acheter deux ou trois cadres pour y ajouter la touche finale, mettre la photo des enfants par exemple, ou un papier peint géométrique qu’ils n’avaient pas osé poser alors qu’il était très tendance et qu’il leur correspondait. Ils ont enfin un logement personnalisé qui leur apporte de la joie lorsqu’ils y entrent. Fréquemment, ces personnes prennent le temps et font les choses elles-mêmes. Elles prennent par exemple le temps de refaire une peinture. Certaines ont même pris des cours de bricolage parce qu’elles ne savaient pas poser du papier peint. C’est quelque chose qui leur a apporté du plaisir, quelque chose de très satisfaisant parce que c’est du do it yourself. Quand on a enfin un chez-soi où chaque chose est à sa place et qui, en plus, est décoré à son goût, on ne peut avoir qu’envie d’y rentrer très vite et de s’installer tranquillement dans son canapé.
Entretien mené par Georges Iliopoulos.