admirer

georges iliopoulos philosophie homeney

Admirer, c’est « considérer quelqu'un ou quelque chose avec un sentiment d'étonnement mêlé de plaisir exalté et d'approbation, le plus souvent motivé par la supériorité qu'on lui reconnaît dans divers domaines de la vie intellectuelle, esthétique, morale, etc. » [1] Selon cette définition, l’admiration entremêle trois principales dimensions. 

D’abord, une « subite surprise de l’âme » [2] qui naît du choc d’une rencontre enjoignant l’arrêt et la considération du sujet sensible. Alors que l’usage courant tend à en atténuer la force, l’étonnement constitue la source première de l’admiration : mirari, renforcé par le préfixe ad-, c’est précisément « voir avec étonnement ». Or, comme le rappelle la philosophe Baldine Saint Girons : « L’étonnement, stricto sensu, désigne le fait d’être frappé du tonnerre (du verbe extonare ou attonare), autrement dit, le foudroiement, la commotion céleste » [3]. 

Mais la tonalité de l’émotion et de la réaction provoquées par cette rencontre est nettement positive. Lorsque nous sommes en admiration, nous ne nous sentons pas cloués sur place, dans la douleur, crispés sinon effrayés par l’objet que nous considérons. Il y a bien au contraire une intensification vitale, un frémissement joyeux, une pulsation vigoureuse de tout l’être qui exerce son attention admirative. Presque un coup de foudre.

Enfin, l’existence et la manifestation de l’objet admiré sont comme justifiées par la réaction que celui-ci suscite en nous : il n’est pas seulement apprécié, il est voulu, tel quel. En raison non seulement du vif plaisir qu’il provoque, mais aussi parce qu’il exprime voire incarne des valeurs, des préférences ou des croyances auxquelles nous adhérons activement et sans restriction. C’est pourquoi l’admiration est toujours empreinte d’un respect énamouré. Voilà pourquoi elle peut être caractérisée comme un « regard porté vers le haut », un regard renouvelé dont « l’émerveillement […] fait reculer l’indifférence et le mépris. » [4]

Car l’admirable ne se réduit pas au rare ou à l’inouï. L’admiration peut aussi naître de la rencontre familière des objets quotidiens, qu’on ignore trop souvent, naître de :

quelque image singulière d’une chose connue, image différente de celles que nous avons l’habitude de voir, singulière et pourtant vraie et qui à cause de cela est pour nous doublement saisissante parce qu’elle nous étonne, nous fait sortir de nos habitudes, et tout à la fois nous fait entrer en nous-même, en nous rappelant une impression. [5]

Georges Iliopoulos

 
 

[1] Définition proposée dans le Trésor de la Langue Française informatisé.

[2] René Descartes, Des passions de l’âme, Deuxième partie, article 70.

[3] Baldine Saint Girons, Le Pouvoir esthétique, Éditions Manucius (« Le Philosophe »), 2009, p. 110.

[4] Ibid.

[5] Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, t. II, À l’ombre des jeunes filles en fleurs [1919], Gallimard (« Folio classique »), 1988, p. 402.