Un idéal angoissé de pureté tente jour après jour de conquérir les recoins de l’ordinaire, tressant inlassablement des orientations morales aux préoccupations hygiénistes. L’eau est toujours trop trouble, l’air n’est jamais assez pur : le corps et l’esprit en seront forcément eux-mêmes troublés. Car cet idéal inaccessible offre comme envers la peur presque panique de la complexité et du mélange, rejetés comme des souillures.
On sous-estime cependant l’ennui démoralisant de la pureté, dont la surface toute lisse laisse bien peu de prise à la pensée : « Sur l’être impur beaucoup à dire, et même tout à dire ! — Rien à dire, au contraire, sur la très vide pureté. » [1] Au mieux, on constate en silence, on collectionne tristement les tautologies.
On ferait bien mieux de s’amuser à suivre et décrire le foisonnement constellé des impuretés.
Georges Iliopoulos
[1] Vladimir Jankélévitch, Le pur et l’impur, Flammarion (« Champs essais »), 1960, p. 10.