« Le soleil est un chef-d’œuvre public. Ma lampe, ce trésor, n’appartient qu’à moi. Je l’allume en cachette, de peur d’être vu. Elle m’est précieuse comme si je l’avais volée. Toute lampe qui n’est pas une lanterne sourde n’est pas digne de la nuit. Ce n’est pas sous un lustre aux cent feux que je me ressaisirai. Il me faut un faisceau net, aigu, discret et mystérieux, une lumière confidence.
Une lanterne sourde, car elle ne chasse pas les ombres. Elle les pénètre et elle les respecte. Elle est là pour les faire valoir, pour que je les apprécie bien. Elle ne les éclaire pas, elle les prend à témoin, et c’est sur moi que sa lueur se pose. C’est grâce à elle que je me vois.
[…]
J’ai rêvé d’un monde où régnerait une nuit perpétuelle, où les hommes et les femmes parleraient à voix basse, où, de même que nous avons un secret langage des fleurs, il y aurait un langage des lampes. »
Henri Focillon, Éloge des lampes