« L’histoire de [Walter] Benjamin, parmi les livres comme parmi les lieux, aura été celle d’un constant et violent dépouillement ; et pourtant il n’aura cessé de réfléchir au bonheur du “collectionneur", à celui qui connaît la joie de posséder “au moins une belle chose à lui”, et qui, face au “monde des choses”, tenant les choses en main, semble les “traverser du regard pour atteindre leur lointain” et y gagne “une apparence de vieillard”. Il y a effectivement un monde des choses, un chant des choses, une magie dans les choses (Pasolini parlait du rêve d’une chose : il sogno di una cosa). […] tous ces objets où se ramasse une promesse de bonheur, qui donne un tour très particulier au fait même de la possession, une profondeur spirituelle à la vie matérielle, une pesanteur morale aux objets. Benjamin est celui qui nous aura pour toujours ouverts à cette idée si vaste que les choses rêvent, nous rêvent. »
Marielle Macé, Sidérer, considérer, 2017.